Au service des vocations

Qu’est-ce que la vocation ? Qu’elle soit sacerdotale, religieuse ou laïque, elle est toujours précédée d’un chemin de discernement, qui ne va pas sans questionnement, et c’est heureux. Parce qu’elle nous engage pour la vie.

De la catéchèse à la Pastorale des Jeunes, en passant par les paroisses, avec lesquelles il œuvre, le Service des Vocations accompagne les personnes qui se posent la question d’une vocation… Bien, jusque-là, c’est à peu près clair. Les vocations dont il est question vont du désir d’une vie religieuse à celle du mariage et de la famille. Les deux états sont plutôt mal en point, diront certains. Mais il existe aussi de grands élans vocationnels, sincères, durables, d’autres parfois très « émotionnels » liés à de grands événements marquants, et la question reste de savoir ce qui en restera ou pas.

Le père Antoine Amigo est délégué épiscopal à la Pastorale des vocations et à la catéchèse. Il est aussi membre de la Pastorale des Jeunes et curé de paroisse. Autant dire qu’il est au cœur de ce beau, fragile et fort mystère de la Vocation.

 

MR : Tous les services sont concernés par cette question des vocations, comment cela se traduit-il concrètement avec la Pastorale des Jeunes ?

Père Amigo : C’est tous ensemble que nous sommes force de propositions. Nous sommes par exemple attentifs à la dimension vocationnelle au sein des propositions de la Pastorale des Jeunes : retraites, pèlerinages, journées… pour qu’il y ait toujours une dimension vocationnelle dans toutes les activités. Le Service des Vocations à proprement parler, lui, s’occupe plus d’un accompagnement individuel des personnes se posant la question de la vocation. Actuellement, je vois deux personnes qui se posent la question de la vocation sacerdotale et une autre personne qui se pose la question de la vocation au mariage.

On ne parle donc pas forcément de vocations sacerdotales ?

Non, c’est plus général. J’ai accompagné une jeune femme dans le discernement d’une vocation de vie consacrée, et des personnes qui demandent de les aider à discerner. Généralement, toutes ces personnes ont déjà fait un cheminement, ne serait-ce que pour prendre contact avec moi. Elles n’en sont plus au début du questionnement et sont souvent envoyées, soit par leur prêtre, soit par quelqu’un qui les suit, pas forcément un Père spirituel. Cela nécessite une certaine maturation. Par exemple, lors des dernières JMJ, plusieurs jeunes ont manifesté leurs questionnements et leur désir d’être accompagnés. Ils ont été invités à prendre contact avec moi et ils étaient d’accord, bien sûr. Finalement, aucun n’est venu.

Comment l’expliquez-vous ?

Parce que je pense que c’est retombé… Les choses étaient un peu dans la « hype » du pèlerinage et après le pèlerinage, la vie normale reprenant, les études ou le boulot, etc., la question a été enfouie de nouveau. Ce n’est plus une priorité, même si elle est toujours là sans doute. De là à envisager une pause… Parce que je pense que c’est cela « le truc », prendre contact avec le Service, c’est accepter l’éventualité d’une pause dans ce qu’ils sont en train de faire, dans leurs études, dans leur imaginaire, dans leur travail. Ils fuient, c’est du ghosting.

Du quoi ?

Du ghosting, c’est une expression employée aussi dans le monde professionnel. Les postulants se présentent au service RH pour l’entretien d’embauche. Tout se passe bien, mais le premier jour du travail, lorsqu’ils doivent venir signer, ils ne sortent pas, ne répondent pas aux messages, ni au téléphone. Ce n’est même pas grave pour eux, ils sont hyper sollicités de partout, et donc là, c’est une sollicitation de plus. Ils se débarrassent du problème et ils ne voient pas le problème…

La sécularisation de la société n’est sans doute pas étrangère à cela pour toutes les vocations ?

Oui. C’est une question très importante par rapport à la Pastorale des Vocations et à la question des vocations en général. Car, à mon avis, nous ne sommes pas dans une crise des vocations, mais dans une crise de la foi ; et c’est parce qu’on est dans une crise de la foi qu’il y a une diminution des vocations. Cela ne touche pas seulement les vocations religieuses, c’est aussi vrai pour les familles chrétiennes. Et une initiation chrétienne, cela ne se fait pas en quinze jours de JMJ. J’ai découvert une statistique non officielle d’une communauté qui révèle que 60 à 70 % des séminaristes de cette communauté avaient reçu l’Appel avant l’âge de douze ans. C’est intéressant, car au niveau de la Pastorale des Jeunes, cette dimension vocationnelle n’est pas tant de susciter la question, puisqu’ils ont déjà reçu l’Appel, mais de les accompagner à penser à comment le concrétiser. Il faut qu’ils gardent cette flamme à l’intérieur d’eux et qu’ils puissent la faire mûrir et reconnaître si c’est un Appel de Dieu ou un élan de leur générosité. Ça peut être les deux, et ça peut être très bien.

Qu’aimeriez-vous dire à tous ces jeunes qui hésitent à revenir vers vous ?

J’aimerais bien qu’ils n’aient pas peur de reprendre contact avec le Service des Vocations. Ce n’est pas parce qu’ils prennent contact qu’ils deviennent prêtres. Nous ne sommes pas là pour recruter, mais pour les aider à discerner quel est le projet d’amour. Est-ce le mariage ? Une vocation religieuse ? Une vocation sacerdotale ? C’est très ouvert. Notre seul souci est vraiment d’aider la personne à discerner là où le Seigneur l’appelle et certainement pas à l’orienter, ni à le manipuler.

Pour conclure, accepteriez-vous de témoigner de votre propre Appel ?

Mes parents étaient des hippies. Mon père est décédé quand j’avais seize mois. J’ai grandi entre mon oncle, le frère de ma mère, qui s’est converti au judaïsme, et mon grand-père maternel qui était très pratiquant. Mon oncle disait que Jésus était un imposteur et mon grand-père qu’il était Dieu. Je me demandais, mais qui est Jésus ? A l’âge de douze ans, mes grands- parents m’ont offert un livret avec le Sermon sur la montagne. En lisant cela, je me suis dit, ça, c’est la vérité, Jésus ne peut pas être un fou ou un imposteur. Et de là, j’ai senti une joie énorme et j’ai demandé le baptême. J’ai commencé à aller à l’église et, un jour, le prêtre a dit qu’on manquait de vocations. J’ai cru qu’il ne s’adressait qu’à moi. J’avais envie de dire, mais moi je veux bien, je suis là ! Je suis rentré chez moi et j’ai tout raconté à ma mère qui m’a dit : « Non… toi tu auras des enfants. » Alors je me suis tourné vers mes grands-parents qui m’ont dit que l’on manquait de prêtres mais pas chez nous, chez les autres. Après est arrivée la puberté, et j’étais sûr que j’allais me marier. Je me suis éloigné de la foi, mais la question de la vocation était toujours présente. En terminale, j’ai été accepté dans une prépa médecine, et cela me paraissait être un bon compromis entre une vie donnée aux autres et être marié avec la possibilité de créer une famille. Puis, j’ai arrêté médecine pour dentaire, où s’est encore reposée la question vocationnelle. Et là, j’étais très loin de l’Église, mais c’est une jeune fille qui me plaisait qui m’a fait revenir dans l’Église à travers le Chemin néo-catéchuménal. Se posait toujours la question de la vocation, mais avec une différence, je comprenais qu’avec Jésus-Christ, tout était possible et que l’on pouvait aussi être heureux dans le célibat. Alors, j’ai pu me poser plus librement la question de ce désir de devenir prêtre qui continuait d’habiter mon cœur. Et aussi à l’assumer. La vocation a été pour moi une Rencontre. Comme une réponse à ce désir profond de me donner auquel Dieu répondait à travers la vocation sacerdotale.

Entretien : Marie Raulin

Dossier paru dans le magazine Église en Côte-d’Or – N° 814 – avril 2024

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