NOËL 2023 : Messe de la nuit et Solennité du jour

Si vous n’avez pu assister aux célébrations de Noël à Dijon, présidées par notre archevêque, voici quelques instantanés de ces instants de prière et de beauté ; beauté et profondeur de la liturgie portée par les voix de l’Ensemble Joseph-Samson, dirigé par Jean-Louis Gand. Profondeur et espérance contenues dans l’homélie de notre archevêque qui nous appelle à reconnaitre qu’ « au milieu de la nuit, la nuit de notre monde, une grande lumière s’est levée, Dieu a visité son peuple et il est l’Emmanuel, c’est-à-dire, Dieu avec nous, Dieu pour nous, aujourd’hui et pour toujours, là est notre joie, là est notre espérance. »

 

 

La MESSE DE MINUIT

 

Photo@MDT

LECTURES

PSAUME

(95 (96), 1-2a, 2b-3, 11-12a, 12b-13a, 13bc)

DEUXIÈME LECTURE

« La grâce de Dieu s’est manifestée pour tous les hommes » (Tt 2, 11-14)

ÉVANGILE

« Aujourd’hui vous est né un Sauveur » (Lc 2, 1-14)

 

Homélie de Monseigneur Hérouard

 

Il fait nuit, c’est la nuit de l’hiver, c’est la nuit de tout ce qui nous angoisse, nous fait peur, nous renferme en nous-même, la nuit des inquiétudes que nous pouvons connaître dans notre vie personnelle, devant la maladie qui survient, le deuil qui nous frappe à l’improviste, devant le poids de l’âge et l’isolement dans nos sociétés à la fois hyper connectées mais souvent bien froides et sans humanité.

C’est aussi la nuit devant les inquiétudes pour le lendemain, devant les difficultés de la vie qui fragilisent les plus faibles, l’augmentation de la pauvreté qui touche beaucoup de jeunes, la fragilisation des relations familiales ou amicales, les divisions, les conflits qui se manifestent, le découragement ou le repli sur soi, devant un monde qui apparaît bien difficile et souvent bien hostile.

Oui c’est la nuit et l’année qui s’achève a été à bien des égards une année difficile.

Notre monde est déchiré par la guerre en Ukraine dont on ne voit pas la fin et qui, poursuivant son lot de morts et de destructions émousse le soutien matériel et moral à l’égard du pays agressé. Et puis depuis le mois d’octobre en Terre Sainte avec l’attaque terroriste du Hamas contre Israël avec ses morts innocentes et les nombreux otages, et la réponse militaire massive de l’État d’Israël dans la bande de Gaza avec tant et tant de victimes civiles et de destructions. Ceci ne laisse place qu’à la désolation et à la haine accumulées. Les perspectives d’avenir alors sont évidemment bien difficiles et entrevoir et un avenir de paix et de coexistence pacifique entre deux peuples ainsi blessés nécessitera beaucoup de courage d’efforts et de volonté politique.

Quant à notre pays, il est aujourd’hui bien divisé, avec une société fracturée, une crise démocratique une montée de la violence verbale ou physique même parfois, une difficulté à se parler, à échanger des arguments, à garder une rationalité au-delà des émotions immédiates et des polémiques sans fin. Comment apprendre à nous écouter d’avantage, à voir ce qui nous unit, ce qui nous rassemble, à faire vivre la démocratie, à nous engager concrètement au service de ceux qui sont dans la difficulté.

Quant à l’Eglise, nous voyons bien qu’elle est dans une phase de transformation d’elle-même et de son positionnement dans la société. Là aussi, les difficultés ne manquent pas, la gestion des suites de la crise des abus, la baisse de la pratique, de la catéchèse, les difficultés du renouvellement des acteurs pastoraux, que ce soient les prêtres, les diacres, les laïcs en mission.

Tout ceci est vrai, tout ceci nous marque et exprime quelque chose de cette nuit qui nous environne et qui crée comme une sorte de litanie sans fin, qui peut nous conduire à désespérer ou à fuir dans la recherche de plaisirs plus immédiats ou dans le repli sur nous-même.

Eh bien, ce qui nous est dit ce soir en cette nuit de Noël, c’est que c’est bien au cœur de la Nuit, au cœur de cette nuit que nous est adressé une bonne nouvelle.

On l’a entendu dans la bouche du prophète Isaïe dans la première lecture, « le peuple qui marchait dans les ténèbres » – et c’est nous d’une certaine façon – « a vu se lever une grande Lumière et sur les habitants du pays de l’ombre une lumière a resplendi. Tu as prodigué la joie,
tu as fait grandir l’allégresse : ils se réjouissent devant toi, comme on se réjouit de la moisson. Car le joug qui pesait sur lui, la barre qui meurtrissait son épaule, le bâton du tyran, tu les as brisés comme au jour de Madiane. »

Quelle est cette lumière qui vient éclairer la nuit des hommes, et qu’annonce le prophète Isaïe, quelques siècles avant l’évènement. C’est la naissance d’un enfant, oui dit-il « Un enfant nous est né,
un fils nous a été donné ! son nom est proclamé, Conseiller-merveilleux, Dieu-Fort,
Père-à-jamais, Prince-de-la-paix. »

Isaïe annonce la venue de Celui qui rétablira le règne de Dieu, de Celui qui interviendra dans le droit et la justice, de celui qui redonnera espérance au peuple d’Israël, malmené par ses propres infidélités, les coups de boutoir des peuples ennemis, qui vont le conduire jusqu’à l’exil à Babylone.

Oui, c’est bien un sauveur qui nous est annoncé, celui qui ouvrira l’avenir et qui sera source de paix et de joie. Ce sauveur annoncé par le prophète, voici qu’il va naître en cette nuit, dans un endroit un peu perdu de Palestine, à Bethléem de Judée, alors que les parents de l’enfant sont loin de leur village, venus pour se faire inscrire à cause du recensement voulu par l’empereur Auguste, lui qui se prétend comme un dieu et veut le manifester en comptant ses peuples.

Alors Joseph vient de sa Galilée jusqu’à la ville de David, Bethléem, dont il est un lointain descendant, pour se faire recenser avec Marie qui lui avait été accordée en mariage et Marie qui était enceinte.

Voilà la précarité de cette situation, ils sont loin de chez eux, au milieu d’une foule qui se presse et alors qu’il n’y a plus de place pour eux dans la salle commune. Et voici le temps où Marie doit enfanter, alors elle va coucher le Fils nouveau-né dans une mangeoire.

Voilà qui aurait pu apparaître comme un incident presque banal, une naissance dans un cadre et à un moment difficile, comme cela peut encore arriver aujourd’hui dans beaucoup d’endroits de par le monde, mais ce qui va changer, c’est la réalité de cet enfant et ce qui va en être annoncé.

@MAT

Les premiers témoins de cette naissance, ce sont, nous l’avons entendu, les bergers, des hommes simples, sans doute un peu rudes, qui n’ont pas beaucoup de formation, aussi un peu en marge parce qu’ils vivent dehors et passent la nuit à garder leur troupeau, ils sont un peu en dehors de la société, voilà que c’est à eux, eux dont personne ne s’occupe et qui n’intéressent pas grand monde que l’ange du Seigneur va se présenter, que la Gloire du Seigneur vient les envelopper de Sa Lumière. On comprend leur crainte, leur peur dans ce qui survient, cela leur semble tellement inimaginable, incroyable, et voilà que l’ange leur dit : « ne craignez pas, n’ayez pas peur, car voici que je viens annoncer une bonne nouvelle, une grande joie pour tout le peuple, aujourd’hui vous est né un Sauveur qui est le Christ, le Seigneur. »

Qu’est-ce que cela veut dire si ce n’est que ce nouveau-né, emmailloté, couché dans une mangeoire, est bien l’envoyé de Dieu, le Fils de Dieu, la Parole de Dieu faite chair, celui que les générations ont attendu, pour qu’il vienne sauver les hommes, les sauver du mal, du péché, de la mort, de tout ce qui nous abîme, de tout ce qui nous fait mal et nous empêche de vivre pleinement selon le projet de Dieu pour nous.

Les nuits de notre monde, les nuits de nos vies ne manquent pas, mais voilà que Dieu n’a pas abandonné son peuple, voilà que Dieu ne nous abandonne pas et qu’il nous a laissé ce qu’il a de plus cher, son propre fils, celui qui est son bien-aimé, celui en qui il a mis tout son amour, pour nous dire, nous manifester cet amour, pour nous dire sa proximité.

@MAT

Non, notre Dieu n’est pas un être lointain, indifférent, qui regarderait le monde de haut, comme sur un bateau pour voir comment ces pauvres hommes se débrouillent tant bien que mal, et souvent plus mal que bien, pour vivre ensemble, pour s’entendre, comme des frères et chercher à construire un monde de justice et de paix.

Non, Dieu lui, s’est engagé avec nous, Dieu s’est fait l’un de nous, l’un comme nous, en toute chose sauf le péché.

Il ne nous abandonne pas au mal, à la souffrance, à la mort, il est celui qui vient nous donner sa vie et la faire partager en abondance, nous rassurer de sa présence, nous manifester la force de son amour pour chacun de nous, quelle que soit notre histoire, quelle que soit notre situation, quelle que soit notre capacité ou notre difficulté à le reconnaître, à croire en lui, en son projet, à mettre notre confiance et notre espérance en lui.

Oui, ce soir de Noël n’est pas comme une sorte de parenthèse que l’on se donnerait au milieu des malheurs du monde, où il faudrait un peu s’éblouir pour oublier les difficultés du temps présent dans la fête, les repas, les cadeaux. Bien sûr nous devons nous réjouir et c’est heureux, bien sûr il existe le matérialisme, mais il s’agit de toute autre chose qu’une apparence de notre force.

Notre joie, elle doit être d’une autre nature, à la fois plus simple et sans doute plus profonde, la joie de se savoir aimé, la joie de se savoir pardonné, la joie de reconnaître ce que Dieu a accompli aujourd’hui pour nous en nous donnant son fils comme le Sauveur. Les anges qui accompagnent les bergers peuvent chanter « Gloire à Dieu au plus haut des cieux, Paix sur la terre aux hommes qu’il aime. »

Et saint Paul nous l’a dit dans la deuxième lecture, « la grâce de Dieu s’est manifestée pour le salut de tous les hommes. Elle nous apprend à vivre dans l’attente de la bienheureuse espérance, la manifestation de la gloire de notre grand Dieu qui est Sauveur des hommes ».

Alors oui, au milieu de la nuit, la nuit de notre monde, une grande lumière s’est levée, Dieu a visité son peuple et il est l’Emmanuel, c’est-à-dire, Dieu avec nous, Dieu pour nous, aujourd’hui et pour toujours, là est notre joie, là est notre espérance.

Qu’en ce soir de Noël, nous sachions accueillir celui qui vient à notre rencontre, celui qui vient habiter nos cœurs, celui qui nous donne cette joie, cette espérance, cette confiance, pour que nous puissions être pleinement des enfants de Dieu.

Joyeux Noël à tous.

Amen

+ Antoine Hérouard, Archevêque de Dijon

SOLENNITE DE NOEL

Photos @MDT

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