Vœux de Mgr Hérouard aux autorités civiles et religieuses

Mgr Hérouard, archevêque de Dijon, a présenté ce lundi soir à la Maison diocésaine ses vœux aux autorités civiles, militaires et religieuses de Côte-d’Or.

Un discours en prise avec les temps complexes que nous traversons : guerre, violence, tensions ou encore débats de société.

« Présenter Jésus, le Christ, comme le Sauveur, n’est pas faire de lui une bouée de sauvetage devant les malheurs du monde ou les épreuves personnelles, mais reconnaître qu’Il est Celui qui donne sens à notre vie personnelle et communautaire… » .

Retrouvez ici l’intégralité de ce discours résolument tourné vers « l’Espérance pour chacun de nous et pour nous tous dans la recherche du Bien commun. »

Noël 2023

Vœux de Monseigneur Hérouard

Merci à tous d’être venus nombreux partager ce moment, acteurs de la cité et responsables ecclésiaux.

Importance des lieux et des occasions de partage, dans le respect des responsabilités de chacun, dans le cadre de la laïcité française dont on entend beaucoup parler, souvent à tort et à travers ; elle ne peut être une mise à distance du fait religieux et des croyances des citoyens, mais elle exprime, ou devrait exprimer le cadre juridique de la neutralité de l’État, du respect des croyances y compris dans leur manifestation publique et collective.

De ce point de vue, je redis que je trouve que la loi de 2021 sur le renforcement des principes républicains – en fait loi pour lutter contre l’islamisme politique – est dangereuse et a modifié substantiellement l’équilibre de la loi de 1905, transformant une laïcité de liberté (c’est après tout l’article 1er de la loi) en une laïcité de contrôle et de suspicion à l’égard des religions.

S’il ne faut évidemment pas sous-estimer les enjeux liés à l’ordre public et à la protection des citoyens contre la violence et le terrorisme sous couvert de croyances religieuses dévoyées, notre société ira dans une impasse profonde en mettant à distance le fait religieux et en étant dans la méfiance, voire le rejet de ceux qui cherchent un sens à leur vie et veulent rechercher un Bien commun harmonieux.

L’ambiance générale de cette fin d’année n’est pas facile et c’est la morosité qui semble l’emporter.

L’actualité y est bien lourde entre d’une part la poursuite de la guerre russe en Ukraine dont on ne voit pas le commencement de la fin et qui, poursuivant son lot de morts et de destructions, émousse aussi le soutien matériel et moral à l’égard du pays agressé.

D’autre part, l’explosion de violence en Terre Sainte depuis l’attaque terroriste du Hamas le 7 octobre contre Israël avec ses morts innocentes et les nombreux otages, dont seule une partie a pu être libérée, et la réponse militaire massive de l’État d’Israël dans la bande de Gaza avec tant et tant de victimes civiles et de destructions. Ceci ne laisse place qu’à la désolation et à la haine accumulées. Les perspectives d’avenir sont bien difficiles et entrevoir un avenir de paix et de coexistence pacifique entre deux peuples ainsi blessés nécessitera beaucoup de courage et de volonté politique.

Si l’on ajoute à cela les tensions grandissantes dans la société française, les faits violents qui se multiplient parfois pour des motifs futiles, la violence du débat politique dont l’Assemblée nationale est le triste reflet, l’incapacité de beaucoup à se parler, à échanger des arguments, à rechercher des solutions communes, à vouloir construire un avenir commun, tout cela n’invite pas à l’optimisme. Avec l’inflation et le coût de la vie qui demeure difficile pour beaucoup, l’augmentation de la pauvreté qui touche prioritairement les plus jeunes, le découragement ou le repli sur la seule sphère intime n’est pas loin.

Si l’on ajoute les débats sur les sujets dits sociétaux qui, là encore, n’aident pas à l’unité de la nation, on peut aussi s’inquiéter.

L’inscription de la liberté d’avortement dans la constitution, en l’absence de toute menace législative, ne changera sans doute pas grand-chose dans l’immédiat, mais oublie de se poser la question du pourquoi du nombre grandissant de recours à l’IVG ; alors que nous savons, au-delà du jugement moral que chacun est amené à poser, combien les conséquences sont lourdes et à long terme d’un acte qui n’est jamais anodin. L’avenir d’un pays ne peut pas être dans le fait de se réjouir du nombre de naissances qui ne pourront survenir.

Quant au débat sur la fin de vie, on voit bien que les questions qui se posent sont beaucoup plus complexes que de déterminer un droit individuel supplémentaire. L’opposition largement majoritaire des soignants à la perspective du suicide assisté ou de l’euthanasie et du rôle qu’on voudrait leur faire jouer dans ces pratiques n’est pas un réflexe corporatiste, mais la conscience de devoir accompagner jusqu’au bout dans le soin en luttant contre la souffrance et en privilégiant le maintien des liens et des relations avec les proches, ceux qui arrivent au terme de leur existence terrestre. Quel message voulons-nous faire passer auprès des personnes âgées ou de ceux qui sont gravement affaiblis par la maladie et des évolutions inexorables ?

La sagesse de l’humanité n’est pas dans les slogans faciles et les solutions déshumanisantes, mais dans l’accompagnement et le soin de la relation. La dignité humaine n’est la propriété de personne et doit toujours être respectée.

C’est dans ce contexte général que les chrétiens sont appelés à vivre maintenant le temps de Noël, non pas seulement comme l’anniversaire de la naissance d’un enfant il y a 2 000 ans, ou l’occasion de réjouissances bienvenues dans les familles ou entre amis pour marquer la joie des retrouvailles, ou la place incomparable des enfants.

L’évènement de Noël est pour nous la source d’une bienheureuse espérance, au-delà de toutes les difficultés des temps présent et il n’en manque pas, au-delà de tous les espoirs humains dans la science, le progrès technique ou médical, les projets des jeunes générations pour bâtir leur avenir, professionnel, amical, familial, au-delà de tous les espoirs humains quotidiens, Noël est la source d’une espérance invincible.

Présenter Jésus, le Christ, comme le Sauveur n’est pas faire de lui une bouée de sauvetage devant les malheurs du monde ou les épreuves personnelles, mais reconnaître qu’Il est Celui qui donne sens à notre vie personnelle et communautaire, Celui qui nous ouvre l’horizon et manifeste cette Espérance concrète : l’humanité n’est pas abandonnée à ses propres malheurs, elle marche, contre bien des apparences, vers Celui qui jamais ne nous abandonne qui, toujours est à nos côtés, vers Celui qui a sauvé notre humanité et lui donne la vie en plénitude.

Heureux Noël dans l’Espérance pour chacun de vous et pour nous tous dans la recherche du Bien commun.

 

† Antoine Hérouard

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