Solennité de Saint-Bénigne : Homélie de Mgr Antoine Hérouard

Dimanche 19 Novembre

Cathédrale Saint-Bénigne de Dijon.

33ème dimanche du Temps Ordinaire, année A .

 

Pr 31, 10-13.19-20.30-31

1 Th 5, 1-6

Mt 25, 14-30

Célébrer le Saint Patron du diocèse, Saint Bénigne, le Saint Patron de cette cathédrale, ce n’est pas seulement faire mémoire d’une page glorieuse comme on l’a entendu dans le chant de l’apôtre mais c’est je crois toujours nous inviter à réfléchir sur notre vie chrétienne aujourd’hui et sur le témoignage que nous portons, on n’est sans doute pas appelés à mourir martyres les uns et les autres, mais en tout cas faire que notre vie puisse être un exemple, puisse être une manifestation, de la force de l’Evangile, de la beauté de l’Amour de Dieu, de la grandeur de ce à quoi Il nous appelle.

 

Et en lisant les lectures qui sont proposées par la liturgie de ce dimanche, on a aussi de beaux exemples, je ne sais pas si vous avez fait attention à la première lecture tirée du livre des Proverbes qui n’est pas toujours le livre que l’on lit le plus souvent, et qui nous fait le portrait de celle qu’il appelle « la femme parfaite » et cette femme, de fait, elle ne manque pas de qualités qu’elle porte, elle scrute, elle discerne, elle choisit ce qui contribue au bonheur, au bonheur d’une maison ouverte, une maison ouverte aux pauvres et aux malheureux et peut-être aussi pouvons-nous nous souvenir que dans les évènements de ce dimanche, c’est aujourd’hui aussi la journée mondiale des pauvres, donc nous interroger sur notre propre rapport aux pauvres et aux malheureux.

 

On dit de cette femme qu’elle est comme une force tranquille, qu’elle sourit à l’avenir, elle n’est pas tournée vers le passé – la nostalgie – elle regarde devant elle, elle enseigne la bonté, elle est digne d’être louée et célébrée pour sa sagesse, alors la question que l’on peut se poser c’est se dire que cette femme qui semble si parfaite, quelle est la source de sa force, quelle est la source de sa paix, quelle est la source de sa tranquillité ?

Il nous est dit que c’est le respect et la confiance en Dieu, elle est toute imprégnée de la Sagesse de Dieu, elle est comme un reflet de la Sagesse de Dieu – alors évidemment on se demande, mais qui est cette femme – bien sûr nous connaissons tous des femmes dont on peut se dire qu’elles portent quelque chose de l’ordre de cela, mais le faire ainsi complètement, totalement, sans doute pouvons-nous penser qu’il y a là comme une annonce de ce que fut la vie de la Vierge Marie, elle qui toute entière fut habitée par la confiance malgré les questionnements, malgré les incompréhensions, malgré le glaive qui lui transpercera le cœur, comme l’avait annoncé Siméon. Au jour de l’Annonciation, Marie va dire sa disponibilité devant cet évènement incroyable, inimaginable, cette annonce de l’ange qu’elle sera la mère du Sauveur, et puis devant tous les évènements qui surviennent dans la vie de Jésus, sa croissance, il y a bien des choses qu’elle n’a pas compris, mais elle les a méditées en son cœur, elle les a gardées et c’est elle qui dira aux serviteurs des noces de Cana « faites tout ce qu’Il vous dira ». Et Marie marquera sa confiance jusqu’à l’extrême, jusqu’au pied de la Croix où à la douleur de voir son fils mourir ainsi, sans doute se mêle l’incompréhension devant ce dessein de Dieu qui nous paraît en dehors de toute réflexion, de toute pensée.

Voilà la confiance de cette femme, voilà la confiance de la Vierge Marie, voilà la confiance à laquelle chacun chacune d’entre nous sommes appelés.

 

Et au fond, à travers la parabole des talents que nous avons entendue dans l’Évangile et que nous connaissons là aussi très bien, eh bien c’est aussi une affaire de confiance, et ce qui nous interroge, c’est la responsabilité des uns et des autres dans ce qui nous est confié, en fonction des capacités de chacun, des talents de chacun – le talent n’est pas seulement une unité monétaire – ce sont aussi les capacités que Dieu nous a confiées.

On voit donc que cet homme qui part en voyage et qui remet à ses serviteurs ses bien, 5 talents à l’un, 2 talents à l’autre, 1seul talent au troisième – à chacun selon ses capacités – Dieu ne nous demande pas des choses impossibles, puis aussitôt – tout de suite – les deux premiers, ceux qui avaient reçu 5 et 2 talents ont essayé de les faire fructifier. Deux serviteurs vont faire fructifier ce qu’ils ont reçu mais le troisième, lui, est habité par la peur. Quand le maître revient et demande à chacun ce qu’il a fait des talents qu’il leur a confiés, les deux premiers les rendent avec la multiplication qu’ils ont pu en faire, le troisième rend lui aussi précieusement le bien confié, il n’a rien gagné mais il n’a rien perdu non plus, il a été honnête, il n’a pas cherché à le garder pour lui, il n’a pas dilapidé le bien confié – dans d’autres paraboles, on voit des serviteurs qui sont moins honnêtes – ce n’est pas le thème ici.

On peut se poser la question, est-ce que le Maître croyait en la capacité de ce troisième serviteur de faire fructifier quelque chose. En fait, ce troisième serviteur, il est pris au mot, son image du Maître le piège d’une certaine façon. Il dit « je savais que tu es un homme dur, que tu moissonnes là où tu n’as pas semé, que tu ramasses le grain là où tu ne l’as pas répandu et donc j’ai eu peur – il le reconnaît – je suis allé cacher ton talent dans la terre ».

Autrement dit c’est une façon de nous faire comprendre que Dieu nous prend au mot, au mot de ce que nous croyons, de ce que nous faisons, de la confiance que nous avons ou que nous n’avons pas en Lui.

Ces relations de confiance sont multiples, c’est le maître vis-à-vis des serviteurs, c’est les serviteurs dans leur propre tâche, pour faire fructifier il faut de la confiance, peut-être que c’est aussi le maître au retour, quelle indulgence va-t-il avoir vis-à-vis du résultat de chacun.

On voit bien que la confiance est à la base de toutes les relations humaines, de toute vie en société. S’il n’y a pas un minimum de confiance, rien n’est possible c’est la jungle et on voit bien qu’elle est toujours difficile à construire, que parfois elle est trahie, mais que c’est cela qui nous est demandé de faire fructifier, dans tous les lieux où nous vivons, au travail, en famille entre amis, dans la vie sociale, le voisinage, les activités que nous avons, dans la vie ecclésiale, la vie paroissiale, quelques fois il y a aussi des suspicions, des procès d’intention, des jalousies – tout ce qui peut arriver – est-ce que nous sommes engagés dans nos chemins respectifs, nos singularités, nos talents, c’est vrai aussi dans l’éducation des enfants – et on sait combien c’est une tâche difficile qui ne se passe pas toujours comme on l’aurait imaginé ou souhaité – ou quelquefois on entend des gens qui disent, je n’en suis pas capable, je n’y arriverai jamais, on voit aussi aujourd’hui se développer toutes ces tendances vers ce que l’on appelle le développement personnel – même s’il y a aussi des abus – il peut y avoir aussi quelque chose de positif, trouver la valeur de chacun, sa place, la manière dont on va faire grandir les autres.

Et bien sûr, la confiance ce n’est pas seulement la confiance entre les humains, c’est d’abord la confiance dans les dons reçus de Dieu, et le maître de la parabole, c’est le Seigneur, c’est Dieu. Alors il nous faut grandir dans la Joie de la Confiance en Dieu.

Est-ce que nous avons conscience de ce que Dieu nous fait confiance

A certains moments, nous sommes actifs dans cette confiance, nous voulons aller de l’avant, nous voulons construire notre vie, nous voulons entreprendre quelque chose pour le Seigneur, nous sommes à Son écoute.

Et à d’autres moments, peut-être sommes-nous plus timorés, enfermés dans la peur comme le troisième serviteur, nous pouvons parfois avoir le sentiment que Dieu ne s’intéresse pas à nous, qu’il nous laisse tomber, quelle image de Dieu avons-nous ? Nous laissons-nous piéger par nos propres projections, nos propres peurs, nos enfermements – comme le troisième serviteur – ou nous laissons-nous porter, encourager par la confiance que Dieu nous fait.

 

Au fond, c’est le mystère de notre liberté, Dieu croit en nous, il ne nous téléguide pas, il nous fait confiance, il croit en nos capacités, le Christ est certainement plus ambitieux que nous-même pour nous-même – souvent nous limitons nos ambitions à la sainteté, l’ambition de l’amour dans le don de soi, le partage, la capacité à pardonner – ça je n’y arriverai jamais – à dépasser nos défauts, à renoncer au péché, à ce qui nous enferme, à ce que nous soyons libres et confiants à l’image de la femme de la première lecture de la Sagesse .

 

Le Christ croit que nous pouvons Lui faire confiance, il croit que nous pouvons ne pas nous enfermer dans la peur, dans le juridisme, dans les fausses sécurités, ce qui ne veut pas dire pour autant que tout est facile, qu’il n’y a pas des épreuves, des incompréhensions, là aussi, l’exemple de Marie peut nous éclairer. Dieu nous appelle toujours sur le chemin de la sainteté, Dieu nous fait confiance, non pas pour être parfait d’un seul coup, sans défaut, sans commettre le mal, mais en recevant d’abord notre vie comme un don, comme un cadeau que Dieu nous fait, en nous remettant entre ses mains, en choisissant d’avancer avec Lui, d’affronter les difficultés ou les épreuves du chemin avec Lui.

 

Alors n’enterrons pas la Confiance qu’Il nous fait, laissons-nous éclairer et conduire pour faire fructifier les talents de nos vies, tout ce qui nous a été donné, à l’exemple de la Vierge Marie, à l’exemple des saints qui nous ont précédés, de Saint Bénigne, de tous ceux qui font le bien dans la discrétion, la simplicité, l’humilité, avançons sur ce chemin de la Confiance, n’enterrons pas la Confiance.

Photo de couverture : MDT

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