Représenter Marie ? Mission impossible…sauf à Dijon
Pauvre Fabisch ! En 1864, le sculpteur lyonnais présenta la statue qui trône dans la grotte de Lourdes, mais il eut droit à une grimace de Bernadette. Celle-ci continuera à faire la moue chaque fois qu’on voudra lui faire admirer une représentation de Notre-Dame. J’ose pourtant faire le pari qu’elle retrouverait sa belle demoiselle en voyant la tapisserie placée sous l’orgue de Notre-Dame de Dijon.
Dom Robert n’a certes pas fait dans la dentelle avec cet ex-voto commémorant la libération du 11 septembre 1944. Sur l’habituel fond rouge des tapisseries médiévales, une vingtaine d’animaux attaquent Dijon. Même les arbres et les végétaux rejoignent l’armée des bêtes, qui ont tout pour réussir : nombre et multiplication des postures guerrières. Dans les hauteurs, chouette et perroquet à gauche, hibou et geai à droite font office de guetteurs. Un loup et un coq se préparent à escalader le rempart, tandis que rampent sournoisement un crapaud et un triton. Et que dire des autres animaux prêts à bondir ?
Mais leur élan est coupé net, les feuillages effilés s’écartent devant un geste de douceur : une jeune fille étend les mains et laisse retomber son voile translucide en signe de protection. Nous sommes en Bourgogne : toute simple, comme celle qu’a pu admirer Bernadette, la robe est décorée de feuilles de vigne, avec un discret bouquet à la ceinture. Comme à Massabielle, Marie regarde devant elle. Seule face au grouillement informe des animaux, cette petite fille (à Lourdes, elle était plus petite que Bernadette) est pourtant plus puissante, comme le proclame le titre de cette tapisserie, tiré du Cantique des Cantiques : « Plus redoutable (terribilis) qu’une armée en bataille ».
Ce contexte guerrier explique le sérieux de la jeune fille : mais on devine déjà le sourire d’une victoire que Marie remporte pour nous au nom de Dieu. Oui, Bernadette, venez à Notre-Dame de Dijon, votre magnifique et belle Dame vous y attend !
P.Didier Gonneaud, curé de Marsannay-la-Côte