Une Nuit des cathédrales mémorable à la cathédrale Saint-Bénigne

A la faveur de la Nuit des cathédrales et à l’occasion du Millénaire de la consécration de la Rotonde de l’abbaye Saint-Bénigne, le 13 mai 1018, les Ambrosiniens, chœur grégorien de Dijon dirigé par Jean-Christophe Garandeau, ont offert ce dimanche – avec Peter Hammer, titulaire du grand orgue Cavaillé-Coll de la collégiale Saint-Hippolyte de Poligny – un concert composé de pièces extraites du Tonaire de Saint-Bénigne, manuscrit du premier quart du XIe siècle, contemporain de la Rotonde de notre cathédrale. (texte et photos Marie-Aleth Trapet)

Le concert était organisé selon les huit modes grégoriens, le chœur grégorien interprétant des pièces issues du Tonaire de Saint-Bénigne emblématiques de chacun des modes, en lien avec le temps et les circonstances liturgiques, et processionnant tandis que l’organiste improvisait sur les thèmes grégoriens.

Le maître de chœur a introduit chacune des pièces grégoriennes par la présentation des tons du plain chant grégorien tels qu’ils sont figurés sur deux chapiteaux du chœur de la grande église de l’abbaye de Cluny à laquelle était rattaché saint Guillaume de Volpiano, réformateur de l’abbaye Saint-Bénigne de Dijon.

Les quatre premiers tons sont placés dans des mandorles, sur la bordure desquelles ont été gravés les tituli qui se rapportent à chacun d’eux. Sur le second chapiteau, les musiciens apparaissent à l’intérieur d’un bandeau circulaire qui a reçu les tituli relatifs à chacune des quatre figures.

La suite des quatre inscriptions sculptées sur le septième chapiteau forme un ensemble qui obéit aux lois de la versification latine  :

Hic tonus orditus modulamina musica primus.
Subsequitur ptongus numero vel lege secundus.
Tertius impingit Christumque resurgere fingit.
Succedit quartus simulans in carmine planctus.

Sur le huitième chapiteau, chacun des quatre tons figuré est identifié sur un bandeau circulaire continu.
Le texte de chacun des quatre vers, formant un poème, se déploie sur deux niveaux :

0STENDIT QVINTVS QVAM SIt QVISQ[V]IS TVMET IMVS :

+SI CVPIS AFFECTVM PIE[T]ATIS RESPICE SEXTVM :

+INSINVAT FLA[T]V[M C]V[M] DONIS SEPTIMVS ALMVM :

OCTAVUS [S]ANCTOS OM[NE]S DOCET ESSE BEATOS :

Premier mode : le Grave

« Ce ton, le premier, donne naissance aux harmonies musicales »

Les Ambrosiniens processionnent au rythme du Gloria Laus, hymne de procession du jour des Rameaux, attribuée à Théodulphe d’Orléans.

Gloire, honneur et louange au Christ Rédempteur

Dans la chapelle de la Vierge retentit le Gaudeamus !

Réjouissons-nous tous en ce jour de fête en l’honneur de la Vierge Marie …

Deuxième mode : le Triste

« Le son qui suit est le second selon l’ordre et la loi. »

Au Baptistère, le Terribilis est remue les fidèles …

Ce lieu est un lieu terrible. C’est la maison de Dieu et la porte du ciel …

Troisième mode : le Mystique

« Le troisième surgit violemment et découvre le Christ qui ressuscite ».

Le Te Deum laudamus fait tonner l’action de grâce depuis la tribune du grand orgue.

A toi Dieu, notre louange ! Nous t’acclamons, tu es Seigneur …

  

Le chant des Litanies de la Vierge, suivi de l’Angelus, est alterné – depuis les triforia – entre le chanoine Didier Gonneaud, archiprêtre de la cathédrale, et les Ambrosiniens

Quatrième mode : l’Harmonieux

« Le quatrième suit en imitant dans son chant une lamentation »

Le manuscrit de Farfa, (disciplina Farfensis, coutumes de Cluny, XIe) dit:

«Prévenus par une sonnerie, tous les frères doivent entonner le chant du Credo et se rassembler autour du mourant».

Il s’agit du tintinnabulum des morts utilisé pour inviter l’ensemble de la communauté à l’éxécution des coutumes funéraires.

L’Alleluia Ascendit Deus, de la fête de l’Ascension, monte depuis le chœur de la cathédrale

Cinquième mode : le Joyeux

« Le cinquième montre que celui qui se gonfle d’orgueil est renvoyé au plus bas ».

L’antienne de communion Qui mihi ministrat, du commun des martyrs, est chanté à la chapelle du Saint-Sacrement.

Celui qui veut me servir, qu’il me suivre, et là où je suis, là aussi sera mon serviteur …

Sixième mode : le Dévot

« Si tu désires l’état de piété, regarde le sixième ».

Du pied de la croix de mission s’élève l’antienne Ecce lignum crucis pour la vénération de la croix.

Voici le bois de la croix, qui a porté le salut du monde. Venez, adorons !

  

Peter Hammer a improvisé sur les mélodies grégoriennes durant les déambulations des Ambrosiniens

Septième mode : l’Angélique

« Le septième introduit le souffle nourricier avec ses dons ».

L’introït Viri Galilaei du jour de l’Ascension est chanté au chœur.

Hommes de Galilée, pourquoi rester là à regarder le ciel ?…

Huitième mode : le Parfait

« Le huitième enseigne que tous les saints sont bienheureux ».

En la Vigile de la Pentecôte, l’introït Spiritus Domini du jour de la Pentecôte, chanté au chœur, a redonné souffle …

L’Esprit du Seigneur remplit l’univers. Alleluia !

Les auditeurs ont suivi, en procession, les Ambrosiniens dans la Rotonde millénaire pour le chant des Complies et du grand Salve Regina !

  

Te lucis ante terminum,
rerum Creator, poscimus
ut pro tua clementia
sis praesul et custodia

Partager