Vivre la maladie et avoir la foi : le regard d’un médecin
La journée mondiale du malade est célébrée chaque 11 février, commémorant le jour de la première apparition de Notre-Dame à Lourdes le 11 février 1858. Cette journée se décline aussi dans les diocèses en un dimanche de la santé qui aura lieu cette année le 12 février.
A la veille de la journée mondiale du malade, le docteur J. Girardier nous donne son témoignage de soignant et son regard sur les soins palliatifs.
« Mon expérience de médecin soignant au contact des grands malades, que ce soit en chirurgie ou en soins palliatifs, me permet d’affirmer aujourd’hui que la Foi est une chance. Jadis en effet elle était peut être une source d’angoisse tant pesait le poids de la culpabilité et la crainte du jugement dernier et de la damnation éternelle. Aujourd’hui, le discours insistant sur la miséricorde de Dieu devrait bien transformer les choses.
La vie du malade se déroule en plusieurs étapes
C’est d’abord l’annonce du diagnostic grave qui plonge la personne bien portante dans le monde de la maladie. S’ensuit la phase des traitements avec ses épreuves, ses souffrances multiples, ses espoirs et ses déceptions et ce long temps passé dans l’incertitude. C’est ensuite la rémission avec tous ces espoirs, mais aussi l’anxiété toujours présente de la rechute. Heureusement il y a souvent la guérison et la paix retrouvée. Mais hélas, il y a aussi les cas qui tournent mal et qui ouvrent la phase de la fin de vie et des soins palliatifs et la proximité de la mort.
Quoiqu’on en dise, le malade vit seul sa maladie, même s’il est l’objet de l’attention de tous les siens et des soignants qui s’en occupent à chaque instant avec efficacité et tout le dévouement nécessaire. C’est sa peau qui est en jeu et même sa vie qui est menacée. Alors il réagit de multiples façons au fil du temps, allant du déni à la colère, du silence à la plainte, de la tristesse à la peur, du renoncement à l’acceptation. Ces réactions ne se font pas dans un ordre chronologique comme on a pu le croire, mais vont de l’une à l’autre, d’un jour à l’autre, avec des retours en arrière, laissant souvent l’entourage dans le désarroi et l’incompréhension.
Trouver en Dieu un interlocuteur ultime
Le malade qui a la Foi ou même seulement une culture religieuse trouve en Dieu un interlocuteur ultime qui peut peut-être encore l’écouter, le comprendre et lui venir en aide. Oh ! il risque parfois de bien le malmener, de l’invectiver, de lui reprocher son silence ou encore de le tenir responsable de la situation présente, mais il sait qu’il est là et que lui seul peut faire quelque chose pour lui. Je me souviens de ce malade en soins palliatifs qui s’acheminait vers sa fin et que je trouve un matin en grande excitation. Rien ne va et après un moment de discussion et d’écoute, il m’avoue que c’est « la révolte de la créature contre son créateur… » N’est-ce pas là une belle marque de Foi !
Quand les choses s’arrangent et qu’une rémission survient ou encore que la guérison est au bout de la route, il est touchant d’être témoin des marques de gratitude exprimées par les malades. Je me souviens d’un patient qui avait invité tous ses amis à une messe d’action de grâce.
A l’inverse lorsque le malade s’achemine vers sa fin la souffrance est présente chez tout le monde. Cette phase ultime s’accompagne d’un renforcement des convictions avec pour tous une intense activité de prières et de supplications. Dans cette situation, les longs temps de silence peuvent étonner. Ce que l’entourage prend parfois pour du délire n’est-t’il pas plutôt, pour le malade le moment d’une intense activité cérébrale pendant lequel il fait la relecture de sa vie, peut être à la lumière de sa Foi, entre doutes et certitudes. Dans ces moments ultimes, il faut absolument que les médecins s’efforcent de soulager les symptômes et spécialement la douleur pour que cette démarche puisse se faire dans la paix. Seule la croyance en un Dieu aimant et compatissant peut être source de sérénité et nous pouvons faire notre, la prière du poète brésilien Ademar de Barros : « mon fils, tu m’es tellement précieux ! je t’aime ! je ne t’aurais jamais abandonné, pas même une seule minute ! les jours ou tu n’as vu qu’une seule trace dans le sable, ces jours d’épreuves et de souffrances, eh bien : c’était moi qui te portait » »
Dr J. Girardier
Un dossier spécial sur « Croire quand on souffre » est disponible dans le numéro « Eglise en Côte-d’Or » de février 2017. Vous pouvez vous le procurer au prix de 3 euros à l’archevêché, à la Maison diocésaine, ou auprès de vos paroisses, ou vous abonner en cliquant ici.