De l’importance de la Parole et de ceux qui la portent…

C’est l’histoire d’un Merci grave et joyeux du dimanche matin : joyeux par la Parole lorsqu’elle prend racine dans la vie – grave parce que la vie est grave  – et qu’il nous appartient, sans doute, de rester toujours dans cette gravité joyeuse… Dimanche matin, aller à la messe, arriver presqu’en retard et s’asseoir au hasard. Quelques minutes plus tard, sentir une présence discrète, une jeune fille venue timidement s’installer en prenant soin de laisser une place vide entre nous.

Écouter la Parole du jour (Luc 14, 1.7-14).

« Quand tu donnes un déjeuner ou un dîner, n’invite pas tes amis, ni tes frères, ni tes parents, ni de riches voisins ; sinon, eux aussi te rendraient l’invitation et ce serait pour toi un don en retour. Au contraire, quand tu donnes une réception, invite des pauvres, des estropiés, des boiteux, des aveugles ; heureux seras-tu, parce qu’ils n’ont rien à te donner en retour : cela te sera rendu à la résurrection des justes. »

En nous-même, se dire que nous aspirons tous à faire communauté, à nous regrouper autour des plus faibles – que nous sommes tous faibles, boiteux du cœur, aveugles et sourds, tous autant que nous sommes, avec plus ou moins de degrés et surtout de chance. Naître ici, du bon côté, dans une famille, en sécurité. Être attentifs, bienveillants, donner un peu de son temps, un peu de son argent, de son attention. Et puis régulièrement ne plus se satisfaire de ces « un peu », même si un peu c’est parfois déjà beaucoup… Rester en quête, chercher, réfléchir, demeurer bien-veillants. Se lamenter « un peu» sur notre impuissance.

Et – entendre alors le Prêtre conclure son homélie par un « Et si aujourd’hui nous invitions chacun une personne que nous ne connaissons pas à déjeuner, pour le café, le goûter, etc. ? Une phrase banale, tellement banale qu’elle est devenue un pur concept, une intention traversante jamais une réalité. Alors sans hésiter me tourner vers cette jeune inconnue, lui proposer de venir déjeuner à la maison. Remercier le Père pour sa parole inspirée et monter en voiture avec cette toute jeune fille.

Elle a 25 ans et vivait seule avec sa mère dans un pays – non démocratique – d’Afrique de l’Ouest. Toutes les deux militaient dans une association pour les droits humains. Sa maman bien que gravement malade victime d’un AVC est arrêtée. Sa fille n’a aucune nouvelle durant 4 mois puis apprend son décès sans plus d’explications. Elle se rend alors au commissariat pour tenter de comprendre. En guise de réponse les policiers la brutalisent – comme des hommes peuvent dans leur lâcheté brutaliser une femme. Sans plus aucun lieu où aller, personne autour n’osant la soutenir, elle doit fuir. Pour aller où ? Elle ne le sait pas, mais sa vie est en danger là où elle est. Et le danger ne va pas la quitter durant son périple avec d’extrêmes violences de nouveau subies dans sa chair. Mais elle n’a pas d’autres choix que de faire confiance à un passeur et de le suivre en transitant par la Lybie jusqu’en Italie. Là une de ses compagnes d’infortune lui parle de la France et de Dijon où elle doit se rendre. C’est ainsi que les deux femmes arrivent en Bourgogne. La dame repart de son coté tout en recommandant à la jeune fille de joindre le 115. La jeune femme est aussitôt prise en charge puis accueillie dans un foyer où elle vit depuis un an et demi .

Coïncidence ou merveilleuse Providence, elle et moi nous sommes rencontrées à la veille d’un jour très important : ce lundi la jeune femme se rend à Paris pour plaider sa cause de demandeuse d’asile assistée par une avocate. Nous espérons qu’elle pourra, comme elle le souhaite, vivre ici, se former et devenir aide-soignante ou même infirmière. C’est son vœu le plus cher.

En racontant ce dimanche étrange, il n’est pas dans mon propos de vous apitoyer, mais de vous demander le plus fraternellement possible de penser à elle, de la soutenir en pensée, en prière. Et aussi avec le plus d’humilité possible, de témoigner ici de l’importance de la Parole «  incarnée » dans nos vies et des messagers de cette Parole qui parfois à leur insu provoquent de merveilleuses rencontres insufflées par l’Esprit .

Ainsi en fût-il de cette improbable communion dans cette église du Diocèse ce dimanche matin.

Témoignage de Marie, diocésaine.

© Marie Raulin

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