Fin de vie. Mgr Hérouard : « Comment demander au personnel médical de se transformer en instrument de mort ? »

« Tu choisiras la vie », Dt 30,19

Les questions éthiques reviennent sur le devant de la scène politique et médiatique avec l’annonce par le Président de la République d’un débat citoyen sur la fin de vie, lequel pourrait déboucher sur un nouveau projet de loi. La fin de vie est une question intime, qui touche chaque citoyen, croyant ou non et qui a des conséquences sur l’équilibre même de notre société. Chacun de nous a l’expérience de la fin de vie de proches qui est souvent une expérience douloureuse, non seulement par la séparation qui marque la mort mais par les conditions plus ou moins difficiles dans laquelle elle est survenue. La question première est celle de la souffrance, physique et morale, et de la manière de l’atténuer lorsqu’elle survient. La médecine a pu faire des progrès considérables dans le traitement et le soulagement de la douleur mais trop de gens n’y ont pas accès et les services de soins palliatifs ont pris du retard dans leur développement. J’ai pu voir d’expérience, lorsqu’ils sont bien mis en œuvre, ce qu’ils peuvent procurer comme apaisement pour la personne en fin de vie et surtout comme qualité relationnelle avec les proches : capacité à se dire au-revoir, confidences précieuses pour ceux qui restent, réconciliation possible dans des tensions familiales.

Le plus souvent quand quelqu’un dit : « je n’en peux plus, je veux mourir », il s’agit plutôt de comprendre : « Je ne veux plus souffrir ». Cela veut dire que si l’on soulage correctement la douleur, la question ne sera plus la même. Avant même de s’interroger sur une évolution de la loi, il faut honnêtement faire le bilan des lois existantes (Loi Léonetti-Clays) et voir ce qui n’a pas été appliqué dans ce qui est défini pour le développement des soins palliatifs. Les médias ont beaucoup relayé le fait que le Comité consultatif national d’éthique (CCNE) avait dans un avis récent ouvert la possibilité « d’une aide active à mourir », autrement dit de l’euthanasie, ce qui n’est pas tout à fait exact, puisqu’il dit que cette option ne serait pas éthique si les soins palliatifs n’étaient pas d’abord développés. Il faut donc se garder des effets d’annonce et trembler avant d’envisager la plus petite brèche dans le commandement fondamental : « Tu ne tueras point ». Il ne s’agit pas là d’une prescription religieuse mais du ciment même de la société. Certains veulent présenter l’euthanasie ou le suicide assisté comme une liberté personnelle que chacun serait libre ou non de demander, sans voir la fragilisation que cela entraînerait vis-à-vis des plus petits, personnes âgées dépendantes, grands malades… Il est vite fait de se sentir ou de se faire sentir comme un poids inutile pour la société et l’exemple des pays qui se sont engagés dans cette voie n’est pas là pour rassurer, quand on voit les conditions d’accès à cette pratique s’élargir toujours plus (enfants mineurs, douleurs psychiques, personnes n’étant pas en fin de vie…). Sans oublier les implications pour le personnel médical : ils se sont engagés pour soigner et soulager, comment leur demander de se transformer en instrument de mort ?

Le fait de vouloir mourir dans la dignité n’est pas l’apanage de groupes militants mais doit toujours être une invitation à promouvoir la vie dans sa beauté et sa fragilité. C’est bien d’une « aide active à vivre » dont nous avons besoin !

+ Antoine Hérouard
Archevêque de Dijon

Mgr Hérouard. Sacrement de confirmation à Beaune octobre 2022 © MDT

Ce texte de l’archevêque de Dijon est l’éditorial du n° de novembre du magazine Église en Côte d’Or, à retrouver ici.

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