« On a le sentiment que certains détenus n’ont jamais été vraiment écoutés »

Le père Raoul Mutin est aumônier de la maison d’arrêt de Dijon depuis 2010. Il répond à nos questions quant à la spécificité de son ministère.

Connaissiez-vous le milieu carcéral avant de devenir aumônier de la maison d’arrêt ?

« Je ne m’y étais précédemment rendu qu’à deux ou trois reprises. Je m’imaginais la prison comme quelque chose de très noir, très sombre…j’avais même peur de perdre ma joie de vivre ! Il faut dire que je ne m’attendais pas à ce qu’on me demande de devenir aumônier de la maison d’arrêt. Après avoir discerné pendant deux semaines, puis j’ai fini par dire oui. Pour plusieurs raisons. L’une des raisons se trouve dans une parole de l’Evangile qui a été lue le jour de mon ordination sacerdotale : « L’Esprit du Seigneur est sur moi, parce qu’il m’a oint pour annoncer la bonne nouvelle aux pauvres; il m’a envoyé publier aux captifs la délivrance, aux aveugles le retour à la vue, renvoyer libres les opprimés. » (Luc, 4, 18). L’autre raison est cette parole d’un ancien aumônier de prison qui m’a dit : « Fonce ! Vas-y ! Tu verras…! » »

Qu’avez-vous découvert dans ce milieu pour le moins particulier ?

« On a beau y être mis à l’écart, on est au cœur du monde, parce qu’on est au cœur des problèmes de notre société. C’est un lieu où l’on trouve une grande richesse humaine. Dans ce milieu carcéral, on peut exercer son ministère de prêtre à plein, on y rencontre le Christ ! Auprès des détenus ainsi qu’après du personnel pénitentiaire. Dans ce lieu que je me représentais très sombre, on y trouve de la lumière ! »

Comment cette lumière se révèle-t-elle ?

« Notamment au cours des échanges ou à leur conclusion, quand on voit un franc sourire se dessiner sur un visage. La lumière se révèle dans la vérité, même s’il ne faut pas se faire trop d’illusions : il faut faire le tri. Il y a beaucoup de mensonges aussi ! Mais quand on entre dans un vrai échange, quand ils sentent qu’on est « vrais » avec eux, ils se livrent en profondeur. La lumière est visible également en vivant les sacrements. L’Eucharistie bien sûr, mais il y a aussi des détenus qui préparent leur baptême ou leur confirmation en prison. Ils sont deux actuellement dans ce dernier cas. »

« Nous marchons avec eux, nous essayons de les aider à se redresser »

Quels sont les profils que vous rencontrez à la maison d’arrêt de Dijon ?

« Il y a des personnes avec de gros casiers judiciaires, mais aussi des personnes qui se retrouvent incarcérés « par accident », qui ne sont pas du tout familiarisés avec ce milieu. Ce sont souvent des personnes qui ont un passé très lourd, une enfance déstructurée. On a le sentiment que certains d’entre eux n’ont jamais été vraiment écoutés. »

Quelle attitude adoptez-vous lorsque vous échangez avec un détenu ?

« On ne leur demande jamais la raison de leur incarcération. Ils sont bien plus grands que ce qu’ils ont fait : on ne peut pas les réduire à leur faute ! Il faut savoir les écouter, les aimer, leur montrer la voie d’une espérance ! Le message que l’on essaie de leur faire passer est le suivant : « Dieu t’aime, maintenant. Il est venu pour nous libérer, pour te libérer ! » »

Qu’est-ce qui pourrait résumer votre action à la maison d’arrêt ?

« Le logo de l’aumônerie régionale des prisons. Elle montre une silhouette sombre d’un homme assis par terre qui peu à peu se relève et s’éclaircit. C’est ce que nous faisons : nous marchons avec eux, nous essayons de les aider à se redresser. »

Avez vous déjà connu des « résurrections » en prison ?

« Oui, plusieurs fois. En particulier un jeune pour qui on peut dire que ce passage par la prison a été salutaire. Il se cherchait beaucoup. Il a participé aux groupes de partage, il a découvert l’Evangile. Il a décidé de changer de vie, comme d’autres détenus avant lui. Aujourd’hui il est libre et inséré dans la société. »

Quel est le prochain rendez-vous pour l’équipe d’aumônerie de la maison d’arrêt de Dijon ?

« Nous avons une rencontre régionale du 29 au 31 mars prochains à Fain-les-Moutiers sur le thème suivant : « L’équipe d’aumônerie Prison et les médias ». Nous voulons comprendre comment les médias perçoivent le milieu carcéral et mieux appréhender les modes de communication actuels. »

Propos recueillis par Nicolas Rouillard

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