Échanges islamo-chrétiens : « Ne soyons pas des donneurs de leçon »

Dans le diocèse de Dijon, une structure s’est spécialisée dans l’échange avec les musulmans. Il s’agit de l’antenne départementale du service national des relations avec les musulmans (SNRM). Cette dernière, dont l’aumônier est le délégué épiscopal des relations avec les musulmans, le père Didier Gonneaud, compte une dizaine de membres actuellement. Le Dijonnais Etienne Gille, qui en fait partie, indique : « Dans notre groupe, nous privilégions la rencontre avec des personnes plutôt qu’avec des institutions. Il s’agit surtout d’échanges et de réflexion ».

Il poursuit : « On essaie de rencontrer régulièrement les responsables des mosquées de l’agglomération dijonnaise, soit individuellement, soit collectivement. Tous les deux ans, on organise une conférence « à deux voix » sur un thème donné. On arrive à mobiliser un public assez important. A l’occasion des fêtes de début d’année, on va présenter nos vœux dans les mosquées. Lors de l’assassinat du père Hamel, des présidents de mosquée sont venus présenter leurs condoléances. »

Un groupe de dialogue et d’amitié

Etienne Gille est aussi coanimateur du groupe de dialogue et d’amitié entre chrétiens et musulmans. Ce groupe informel n’est pas une association, il est constitué d’une cinquantaine de membres, dont une petite dizaine de musulmans.

Le Dijonnais explique : « Tous les ans, on organise un voyage dans un lieu alternativement musulman et chrétien. On a également une rencontre annuelle pendant le Ramaddan, la dernière fois, on a échangé autour du thème de la présence de Dieu. »

Il ajoute : « J’insiste sur les deux termes de dialogue et amitié : les réunions dépassent les clivages. On se rend compte que la démarche spirituelle des uns et des autres n’est pas si éloignée. On aboutit à deux conclusions un peu contradictoires : l’autre n’est pas comme on pensait qu’il était, mais il y a quelque chose d’irréductible dans la différence. Le dialogue n’aboutit pas à la fusion mais à la compréhension. »

« Il n’y a pas assez de lieux de rencontre entre chrétiens et musulmans »

Pour Etienne Gille, qui a vécu plusieurs années en Afghanistan, « le dialogue est une nécessité et une urgence aujourd’hui ». Il poursuit : « L’absence de dialogue aboutit à des amalgames, des clichés, des malveillances, qui pourraient mal tourner. Les jugements hâtifs n’aboutissent à rien, sauf à créer une division. Les musulmans ne font pas toujours l’effort de nous rencontrer mais les chrétiens non plus ! Il n’y a pas assez, selon moi, de lieux de rencontre, et donc il y a beaucoup d’idées fausses de part et d’autre.

Quand les musulmans ont ouvert les portes de leurs mosquées, il y a deux ans, c’était une très belle opportunité, mais c’est resté formel, il n’y a pas eu de suite, car trop peu de personnes y sont allées. Cette absence de relations n’est pas forcément due à de la méfiance, c’est plutôt une absence d’occasions. C’est un peu comme à la sortie des messes, ceux qui se regroupent entre eux sont ceux qui se connaissent, il n’y a pas nécessairement de méfiance vis à vis des autres. Il faut faire l’effort d’aller vers l’autre. »

Le Dijonnais conclut : « La religion est avant tout là pour nous élever. Les musulmans ont une réelle spiritualité, une réelle générosité, même si elles se révèlent différentes de la nôtre. Je n’ai pas de souvenir d’un échange qui ait été acerbe, même s’il y a eu régulièrement des débats entre nous. Personnellement, je pense que la rencontre de gens différents nous questionne, nous permet d’avancer dans notre propre foi.

J’insiste beaucoup sur ce dernier point : le dialogue n’est pas conditionné par la réciprocité. On ne tend pas forcément la main pour qu’on la tende de l’autre côté. Ne soyons pas dans le jugement, ne soyons pas donneurs de leçon. On doit être dans l’humilité, comme Saint Paul l’enseignait, et essayer de reconnaître l’autre comme supérieur à nous-même. »

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